Un sommet communautaire sur le VHC

Le 3ème sommet communautaire sur l’hépatite C (« Hepatitis C Community Summit »), organisé par Correlation Network en collaboration avec le SESSTIM a eu lieu les 25 et 26 novembre 2019 à Marseille. Cet événement a réuni des chercheur.se.s, travailleur.se.s pairs, intervenant.e.s de différentes associations, médecins et patient.e.s de toute l’Europe concernés par l’hépatite C (VHC). La consommation de drogues est au cœur de l’épidémie du VHC puisque les personnes qui injectent des drogues en constituent un des groupes-clés les plus affectés par cette maladie : les prévalences du VHC estimées dans cette population varient entre 15% et 84% à l’échelle européenne. Pourtant, le VHC est aujourd’hui facilement traitable et son élimination serait possible avec une volonté politique forte. Cependant, les populations les plus atteintes par cette maladie, usager.ère.s de drogues (et encore plus les injecteur.rice.s), personnes en détention et migrant.e.s sont aussi les plus marginalisées de nos sociétés. Ceci rend le défi de l’élimination bien plus compliqué.

La particularité de ce sommet est qu’il réunit un grand nombre d’acteur.rice.s communautaires qui travaillent auprès des personnes usagères de drogues pour trouver des solutions pragmatiques. Notamment, une intervention éducative appelée AERLI (accompagnement et éducation aux risques liés à l’injection) a été présentée puisqu’elle permet avec peu de moyens d’améliorer les gestes de l’injection pour réduire les pratiques à risque de transmission du VHC, les complications cutanées et augmenter le dépistage. Cette intervention, créée en France par AIDES et Médecin du Monde, a été transférée dans plusieurs pays européens où elle a été mise en place et évaluée à travers le projet « Eurosider ». Sa particularité vient du fait qu’elle puise sa pédagogie non pas d’un savoir ascendant – qui viendrait des connaissances issues des techniques médicales de l’injection – mais d’un savoir issu de l’expérience des usager.ère.s et des intervenant.e.s. Elle permet de créer des espaces de discussion autour de l’injection et des risques associés, en partageant des savoirs expérientiels et plus techniques, et en permettant à l’usager de modifier ses pratiques dans le bon sens.

Les données issues du projet Eurosider ont montré que la mise en place de ce type d’intervention pouvait être limitée par deux éléments en lien avec la politique des drogues en place : le manque de moyen financier pour couvrir les besoins en matériel d’injection stérile et le contexte répressif qui rend l’observation de l’injection à risque pour l’usager.ère et pour l’intervenant.e. Cette criminalisation de l’usage de drogues alimente l’épidémie de VHC et a des retombées très négatives sur la santé et plus globalement sur la société. Ce sommet a donc été l’occasion de rappeler l’« Appel de Marseille pour une autre politique des drogues » : la répression n’a jamais fonctionné, il est nécessaire de dépénaliser l’usage de stupéfiants, réguler légalement le cannabis, et mettre en place une politique ambitieuse de prévention, de réduction des risques et d’éducation à l’usage, bref, d’engager une réforme globale de la politique des drogues.

Egalement, ce Sommet a donné lieu à une déclaration commune :

La décriminalisation de l’usage de drogue et l’assurance d’un financement des services-clés par les Etats réduira le nombre de morts, les maladies et la marginalisation des personnes usagères de drogues.

Pour permettre aux personnes marginalisées de rompre le cycle continu de l’emprisonnement, des maladies et de la misère, les Etats doivent immédiatement adopter deux mesures :

  1. Décriminaliser la possession et l’usage personnel de toutes les drogues ;
  2. Fournir des services sociaux, économiques et vitaux adéquats et accessibles, notamment les programmes d’échange de seringues, les traitements de substitution aux opiacés et la naloxone.

Il n’est plus possible d’accepter ou de permettre que des éléments des forces de l’ordre confisquent du matériel dont il a été prouvé qu’il prévenait les risques de transmission du VIH, de l’hépatite C et des maladies infectieuses. De telles actions sont directement responsables de milliers d’infections pourtant évitables et ne sauraient être tolérées dans d’autres domaines de la santé.

Nous recommandons :

  • de réviser les politiques afin de permettre un accès facilité aux programmes d’échange de seringues, à la naloxone et aux traitements de substitution aux opiacés ;
  • que toutes les politiques des drogues soient basées sur la santé et le bien-être des personnes usagères de drogues et que les besoins spécifiques des femmes consommatrices soient abordés ;
  • que les Etats développent des campagnes grand public contre la stigmatisation des personnes usagères de drogues ;
  • que les personnes usagères de drogues aient un accès égal aux services d’aides économiques, sociaux et de santé ;
  • de créer immédiatement des services d’injection supervisée facilement accessibles ;
  • d’intégrer dans les plans nationaux de santé la prévention, le dépistage et le traitement du VIH et de l’hépatite C et mis en œuvre dans des associations communautaires.

Jusqu’à ce que les changements que nous demandons soient appliqués, nous continuerons à améliorer la mise en place d’interventions de réduction des risques par les pairs en acceptant les risques d’être exposés à des sanctions criminelles et discriminantes.

1. La naloxone est un « antidote » en cas d’overdose : elle bloque toute l’action des opiacés, permettant de stopper la dépression respiratoire en attendant que les secours arrivent.

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