… Ben on a fait de la rue, donc j’me suis retrouvé dans des cages d’escaliers avec les sacs, machin et compagnie, à squatter et dormir. Lui, il partait. J’sais pas où il allait, j’sais pas où il partait, mais je savais très bien où il allait, vers Saint-Charles et tout ça, et j’ai mis du temps à partir parce que, ben… c’est un homme, c’est un mec que j’ai aimé quand même, hein…
Il sort de prison, et tout, il était sevré, ça faisait pas mal de temps qu’il ne s’était plus piqué au Sub et… toutes ces saloperies. Il est sorti, j’ai été le chercher, et puis… puis, son référent nous paye deux nuits d’hôtel pour qu’on puisse se poser nous deux, et puis qu’on puisse…
Il me dit « bébé j’vais chercher à fumer, je reviens », tout ça, mais moi, je ne connais pas Marseille, et puis euh… j’attends trois heures, quatre heures, cinq heures, six heures dans ma chambre d’hôtel. J’me dis c’est pas possible, en plus il n’a pas de portable… et au bout de sept heures je le vois rentrer complètement défoncé, deux shooteuses, du Sub, il m’dit « bébé j’t’initie », j’lui dis écoute, j’prends mes affaires, j’m’en vais, et voilà… J’peux même pas juger parce que j’ai pas le droit de juger, parce que voilà, chacun son addiction, maintenant je le comprends, et puis je l’ai cherché, et puis, j’sais pas c’est le choc de revenir sur Marseille, parce que bon, il y a passé son adolescence et la majeur partie de sa vie d’adulte, sur Marseille Saint-Charles, et donc, t’imagines ce que ça peut faire… Une fois que tu es dans le système, déjà dans une addiction, tu replonges, moi ça faisait un an et demi que je n’avais pas retouché à l’alcool, si, une ou deux fois de temps en temps, mais voilà… Il fallait absolument que ça stoppe et je pense qu’il a compris, mais voilà… Ses anciens démons sont revenus sur Marseille, vers Saint-Charles.
Moi j’ai habité sur Paris pendant quatre ans, Paris c’est pas Marseille, rien à voir, c’est différent, maintenant, alors j’te parle de maintenant, mais avant y’a 20 ans en arrière, j’avais 24 ans, 23 ans, j’étais sur Paris, je travaillais sur Paris, je travaillais dans la coiffure, je suis coiffeur, mais voilà… Paris c’est pas Marseille…
J’ai rendez-vous donc le 13 pour un entretien de deux heures à la Valentine, à Pôle emploi Valentine. J’ai réussi à décrocher peut-être un taf chez Lidl en tant que, soit responsable de caisse, ou de lignes de caisses parce que je travaillais dans le commercial avant, étant coiffeur voilà, j’ai travaillé aussi en tant que responsable de caisse et ligne de caisse. Je suis suivi par une personne qui est humaine, au niveau de Pôle emploi, et qui a compris ma situation. C’est l’assistante sociale d’ici qui m’a mis en lien, après je vais passer en insertion, alors c’est pas mon choix de vie, Marseille, c’est pas mon choix de vie, ce qui est plus compliqué, en fait, c’est de le voir.
Le plus compliqué c’est de le voir, parce que moi aussi des fois, y’a des fois j’arrive à stopper l’alcool, mais bon, quand j’ai pas mon traitement, ben je ne peux pas gérer… l’alcool faisant, et… ouais quand je le vois ça me fait mal…
Mais tu sais, quand tu arrives à un Csapa comme ça et quand tu es en sortie de prison, on t’envoie dans un Csapa en fait pendant trois mois, tu n’es pas là-bas pour rencontrer quelqu’un, à la base, on ne l’a pas choisi. Ça a été bête, hein, franchement, c’était au début, hein, des p’tits billets, il était juste à côté de moi, au niveau humain c’était crevant, maintenant j’en rigole parce que maintenant je les ai encore, j’ai gardé tout son courrier, parce que voilà, et il m’a envoyé des p’tits messages au début, « ouais machin, t’es bronzé, t’es beau, t’es voilà …», et euh… des messages, « ouais j’ai craqué sur toi, faut que ça reste entre nous », et puis ça a démarré comme ça notre histoire, et après, ben… On a fait des demandes d’appartement thérapeutique et tout ça, on a fait des trucs en tant que couple, mais pas en étant s’tu veux expansif au niveau de notre relation…

On allait dans les gorges du Verdon marcher et compagnie, au lieu de se coller aux autres on allait se mettre ailleurs.
…Je suis arrivé ici, à Forbin au mois de septembre. Au début, il me retrouvait ici, lui, fallait que je gère sa situation administrative, plus sa sortie pénitentiaire au niveau du RSA machin, j’ai tout fait, et puis comme j’t’ai dit, ben voilà je pense que le fait qu’il soit revenu sur Marseille, ça n’a pas été un bon truc, et puis on l’a refoutu dans le système, et puis on m’a refoutu dans un système de merde. On peut t’aider, c’est clair, on peut t’aider, dans les structures comme Forbin y’a pas de soucis, c’est pas le problème, mais, euh… il faut être fort, au moins mentalement, déjà moi il faut que je sois double fort because structure, et puis, sexualité aussi. Je ne peux pas vivre comme si j’étais dans mon appart, enfin tu vois c’que j’veux dire, recevoir des gens, voilà, voir des amis, et euh…
Moi je suis sous valium, à la base, je suis à trois valium par jour, là je suis monté à dix valium par jour, donc tu vois, j’ai trouvé un Csapa, le Csapa au niveau social il m’a proposé soit les apparts thérapeutiques, soit une post cure pour pouvoir sortir un peu d’ici, et voir autre chose, et au niveau taf, bizarrement s’tu veux, j’ai un suivi global, social, par Pôle emploi. C’est un nouveau procédé qui se met en place, donc en fait tu es suivi tous les mois par un conseiller Pôle emploi, après il faut être motivé, hein, voilà, et après je vais te dire, moi je lui ai tout dit à ma conseillère Pôle emploi, que ce soit addictions, que voilà…
Témoignage de G. recueilli par Jihane El Meddeb.