J : Tu peux me parler des deux facettes de ton travail ?
M : Je travaille à Marseille à l’association Asud (Auto Support des Usagers de Drogues) et au Bus 31/32.
Alors à Asud on développe un observatoire de défense des droits des usagers (ODDU). On recueille des témoignages de personnes consommatrices qui ont été stigmatisées, discriminées de par leur consommation, et on essaie de récolter ces témoignages, de faire bouger les lignes en sensibilisant les professionnels. Après on a tout une autre action qui est d’accompagner les personnes à faire des recours, à faire de la médiation, les aider à aller porter plainte quand il y a besoin, les accompagner pour aller voir un avocat aussi, parce que c’est compliqué de faire tout ça, donc voilà ce que c’est mon travail du côté de l’ODDU.
Au Bus 31/32 je coordonne des micros-structures, l’idée étant de soutenir les médecins généralistes dans la prise en charge des usagers de drogues. Les médecins qui ont des patients avec des situations complexes, on peut les orienter en CSAPA, et quand le parcours peut être compliqué on leur propose un temps avec une assistante sociale, et un temps avec psychologue au sein du cabinet médical pour accompagner le médecin (généraliste) dans ce parcours, et du coup je coordonne tout ça.
J : Comment tu as commencé à t’impliquer sur Support don’t punish ?
M : J’ai commencé mes premières années à Asud un 26 juin [L’événement Support don’t punish se déroule à cette date tous les ans à travers le monde.], suite à une manifestation sur le Vieux-Port pour défendre le droit des usagers et demander de nouvelles politiques de réduction des risques (RdR). Je ne savais pas trop où je mettais les pieds. Il y a du monde, des idées qui me plaisent bien et on fait une photo de groupe à la fin, c’est plutôt chouette. Et du coup l’année suivante je me suis impliquée dans l’action, on a organisé cette action (Support don’t punish). On est plusieurs associations à l’organiser il y a très souvent Asud, le Bus 31/32, Aides, le collectif Plus Belle La Nuit, parfois le Groupe SOS, parfois Nouvelle Aube, etc. C’est assez émouvant, on trouve toujours des copains pour s’allier à la cause et l’idée c’est juste d’essayer un peu de sensibiliser les gens qu’on croise dans la rue, pas faire juste une action entre nous qui sommes tous d’accord sur tout, mais au moins sur le fait de développer plus de RdR, arrêter de réprimer les consommateurs, arrêter de les foutre en taule pour tout et n’importe quoi. Voilà grosso modo le plaidoyer, et du coup on essaie de faire des trucs un peu chouettes. L’organisation de l’action en elle-même demande vachement de temps.
Au tout début de Support don’t punish il y a une campagne internationale par l’ONG IDPC (International Drug Policy Consortium) basée à Londres. Il s’agissait de proposer aux associations de se mobiliser, mais plus sur le format numérique, se prendre en photo avec les pancartes Support don’t punish, faire une petite vidéo avec des phrases types, ou un slogan, un témoignage, ou n’importe quoi, et après d’avoir une vraie campagne numérique à travers le monde. Ensuite les gens vont plus loin et font des manifestations, des rassemblements, des expositions de photos, plein d’autres choses, plein de choses qui se développent, mais l’idée à la base c’était vraiment la campagne numérique sur facebook et sur les réseaux sociaux.
J : Selon toi quelles sont les principales demandes de changements ? Les approches RdRD dont tu parles, est-ce que tu pourrais en citer quelques-unes qui aujourd’hui devraient exister alors que ça rame à se mettre en place ?
M : Ben déjà y a les espaces de consommation à moindre risque, sans parler des salles (d’injection), mais surtout aller plus loin, avoir des espaces qui puissent être ouverts dans les Caarud, les Csapa, ou d’autres structures de RdRD. Après, il y a tout ce qui est traitement de substitution alternatif, comme la buprénorphine injectable ou d’autres trucs qui existent encore en Europe et dans d’autres pays dans le monde et qui n’existent pas en France. La buprénorphine injectable ça rappelle le geste de l’injection, ça rappelle plein de trucs qui sont moralement pas chouettes. Je ne sais pas pourquoi on bloque encore là-dessus. Après il existe plein de sortes d’outils ailleurs dans le monde, que je n’ai pas forcément en tête, et plein d’outils à inventer en RdRD.
Interview de Marie Gutowski par Jihane El Meddeb
Support Don’t Punish
J: Je vois que tu portes le t-shirt, pourquoi venir aujourd’hui supporter Support don’t punish ?
A : Ben déjà parce que je suis un usager, un consommateur, du coup je fais partie aussi du projet photo dont les tirages sur bâches sont exposés aujourd’hui dehors ! J’ai participé aux ateliers Photovoix au Tipi. Voilà ça serait bien qu’il y ait une salle de shoot à Marseille, et puis ouais j’sais pas, pour essayer de faire changer un peu les mentalités, sur le regard des « toxicomanes » entre guillemets, enfin, des consommateurs, enfin j’veux dire voilà, c’est pas parce que tu te drogues que t’es une merde, tu vois, enfin voilà, à peu près…
J : Et tu as l’impression qu’elles en sont où les mentalités ?
A : Ben ça va, moi j’trouve quand même, ‘fin, moi perso, j’trouve par rapport à… Depuis que… Enfin avant je n’injectais pas et je trouve j’avais un regard négatif par rapport à ça… Ou déjà le mien, mon regard à moi, il a logiquement complètement changé tu vois, mais j’sais pas j’trouve que même dans mon entourage, même ceux qui ne sont pas du tout dans ça, tu vois, j’trouve ça va, les gens sont quand même un peu plus ouverts en ville… Tu vois, voilà t’es en ville ça s’assume mieux…
J : Il y a une tolérance, c’est pas le rejet de l’injecteur. Est-ce que ce regard-là tu as l’impression qu’il existe chez d’autres gens ?
A : Ouais, quand même, ouais, ouais ben oui, grave, même moi je ne vais pas te le cacher comme j’te disais avant j’avais ce… ce regard-là quoi, enfin, plus jeune quoi… Après j’avoue j’étais complètement débile, mais après c’est bien, les gens, on change tous tu vois, y a que les cons qui ne changent pas d’avis comme on dit, voilà, c’est vrai que j’étais bien fermé sur ça tu vois, parce que je ne connaissais pas vraiment le truc tu vois, ben voilà…
J : Tu as l’impression que c’est à Marseille, ou un peu partout l’ouverture d’esprit ?
A : Ben moi j’suis à Marseille et donc du coup après je ne pourrai pas trop parler d’ailleurs, mais ouais ça dépend aussi des gens, mais les jeunes en tout cas j’trouve ça va même si ils sont pas dedans, ils ont un regard moins… Enfin pas… Pas trop critique tu vois, du moins ça va, tu peux quand même être pote j’veux dire, tu comprends, un peu…
Interview d’Arnold par Jihane El Meddeb
Support Don’t punish ! est une initiative communautaire globale dont la Journée mondiale d’action est le 26 juin. Cet événement a comme objectif d’influer sur la politique de réduction des risques et des approches en matière de drogues qui mettent l’accent sur la santé publique et les droits humains. Ceci afin de transformer le discours relatif à la réduction des risques.
Parce qu’ensemble, nos voix sont plus fortes, notre message collectif est plus percutant. Nous faisons donc appel à vous pour se mobiliser lors d’une après-midi événement de sensibilisation entre communautés concernées et leurs allié-es afin d’ouvrir le dialogue avec les décideurs et de sensibiliser les médias et le public.