Retour d’expérience

« Ben voilà j’m’appelle Damien, j’ai 25 ans, ça fait environ 5 ans que je m’injecte, peu importe les produits, que ce soit cocaïne, médicament, Subutex, Skénan… A l’âge de mes 21 ans j’me suis mis à la rue par simple plaisir parce que je trouvais que je me faisais plus d’argent qu’en allant se casser le dos pour 1200 euros.

A un moment j’ai croisé de sympathiques teuffeurs et j’me suis mis dans la peau d’un teuffeur et, comme je voulais tout tester dans ma vie et que certains s’injectaient, ben j’ai voulu essayer et j’ai apprécié le fait de s’injecter ; plus que le produit j’ai apprécié de réussir à m’injecter tout seul, ça m’a fait un effet psychologique… A un moment j’ai réalisé que c’était dangereux parce qu’il peut arriver n’importe quoi, j’ai fait des crises d’épilepsie et autre trucs bizarres… Heureusement que j’avais des amis parce que je ne serai pas là j’crois pour en parler.

Après tout ça, je suis parti de Lyon pour revenir sur Marseille en espérant tout arrêter. J’ai retrouvé ma mère, refait la manche un peu et j’ai rencontré quelqu’un qui m’a proposé d’aller au quartier acheter ensemble, je pensais qu’il s’agissait de shit, mais non, il s’agissait malheureusement de coke. De fil en aiguille et du jour au lendemain, je suis resté aux quartiers Nord sans bouger, en achetant des 10 euros de cocaïne, à dormir avec quelques amis dans un parking. J’allais à Carrefour, je faisais la manche toute la journée ; dès que j’avais 10 euros j’allais acheter, faire mon injection et je retournais faire la manche et ainsi de suite, à chaque fois que j’avais 10 euros je refaisais la même chose. Et franchement à un moment ça saoule… A chaque fois que t’as fait 30 fois l’aller-retour, tu te dis que c’est 300 euros que t’aurais pu te mettre dans la poche… Au bout de 2 ans ça fait vachement chier, mais ça t’empêche pas de continuer, sauf qu’à un moment t’as carrément plus de veines, tu sais même pas comment faire, t’es obligé de demander à des amis parce que simplement ça peut procurer de gros dommages… Sans eux j’étais obligé de me faire du mal, avoir des ecchymoses… Faites attention aux conditions : utiliser que son matériel et du propre1. Moi j’ai fait énormément de bêtises, j’ai pris les seringues des autres, j’ai réutilisé mes propres aiguilles, j’en étais à un stade où je me fichais de tout.

Et même aujourd’hui j’arrive doucement à me contrôler et j’aimerais bien limiter, prendre 10 ou 20 euros par jour, même si des fois mon état psychologique me dit « d’y aller plus fort », y a pas de manque, au bout de 3h y a l’envie. Donc faut éviter d’en prendre.

Moi après tout ça j’ai fait de la prison. En 8 mois là-bas j’me suis
sevré, mais malheureusement, à la sortie, quelqu’un m’a demandé
d’aller chercher du shit au quartier et ça m’a psychologiquement
tenté ; j’ai racheté de la coke et j’ai recommencé et recontinué,
recontinué et recontinué en pensant que j’allais arrêter et mettre
de l’argent de côté, mais tout passe là-dedans. On m’achète un
téléphone, je le revends pour m’acheter ma conso, j’suis même
prêt à voler ma propre mère pour avoir ma conso. Mes amis je
les manipule pour avoir… J’essaye de magouiller plein de monde
pour avoir une dose, peut-être de merde, parce que je suis pas
toujours sûr d’avoir de la bonne qualité, et même la mauvaise
qualité j’me l’envoie quand même…
Et du coup c’est pas très glorieux, c’est comme ça que je le vois,
j’ai pas envie d’arrêter même si j’ai tout pour arrêter alors un p’tit
conseil : vous mettez pas là-dedans, en fait quoi dire d’autre, j’ai
fait le tour là de c’que j’voulais dire en fait. »

Témoignage accueilli par Jihane El Meddeb

  1. Plus précisément pour l’injection : du matériel stérile que vous pouvez trouver gratuitement dans les CAARUD, CSAPA, via des associations spécialisées dans la Réduction des Risques et des Dommages (RdRD) ou auprès de « distributeurs-échangeurs de seringues » en échange de matos usagé ou de jetons (disponibles dans certaines structures du réseau RdRD).
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