
L’abréviation NPS est généralement utilisée en France en référence aux Nouveaux Produits de Synthèse. Ils désignent un éventail très hétérogène de substances qui imitent les effets de différents produits illicites (ecstasy, amphétamines, cocaïne, cannabis, etc.). Leurs structures moléculaires s’en rapprochent, sans être tout à fait identiques. Cette spécificité leur permet, au moins à court terme, de contourner la législation sur les stupéfiants ; certains sont classés, d’autres n’ont pas de statut juridique clair. Généralement achetés sur Internet, les NPS sont connus soit par leurs noms chimiques, soit à travers des noms commerciaux.
Les présentations commerciales des NPS posent le problème de la connaissance du consommateur sur la véritable nature des contenus. Elles entretiennent un doute sur le caractère synthétique des produits (présentation sous forme d’herbe), ou utilisent des formes qui suggèrent que les compositions et les dosages sont préalablement contrôlés.
Or, il existe une grande variabilité des dosages entre les NPS, et par conséquent des effets ressentis et/ou indésirables [1].
Production / offre
Le marché numérique
Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, le nombre de sites de vente en ligne en langues européennes proposant une livraison au sein de l’UE n’a cessé de croître de 2010 à janvier 2012 (date du dernier recensement), passant de 170 à 693. Le nombre de sites de vente en langue française a également augmenté. Depuis des requêtes menées sur une liste de 10 substances, on estime fin 2011 accéder à une trentaine de sites alors qu’en 2013 ils sont une centaine. À la différence d’autres pays, il n’existe pas a priori de points de vente physiques en France.
Le marché des NPS serait dominé par des entrepreneurs opportunistes, qui ne relèveraient pas totalement des filières de la criminalité organisée. Actuellement, les travaux menés par l’OFDT dans ce domaine permettent d’identifier quatre types de marchés commercialisant des NPS sur Internet [2] :
le marché à destination d’un public averti : ce segment, vraisemblablement le plus ancien sur Internet, s’adresse à un public qui est capable de relier des effets à des noms de molécules et qui en connaît les dosages. Les sites appartenant à cette catégorie ont une présentation marketing sobre. Les noms chimiques des molécules en vente sont affichés. Les produits sont souvent vendus sans reconditionnement (sous forme de poudre) et sans effort particulier de présentation. Les substances sont souvent présentées comme destinées à la recherche, d’où leur appellation « RC », abréviation de « Research Chemicals » (composés chimiques pour la recherche) ;
le marché commercial : il regroupe davantage de sites qui, à l’inverse des précédents, affichent des designs plus attractifs ; les produits ont des formes connues (comprimé ou herbe le plus souvent), les emballages sont eux-mêmes très graphiques. Ces présentations peuvent suggérer au consommateur que les compositions et les dosages sont préalablement effectués par le producteur et qu’il n’a pas à s’en préoccuper. Les molécules ou les mélanges sont vendus sous des noms commerciaux, sans mention, le plus souvent, des contenus en principes actifs ;
le marché du « deep web » : il s’agit de la vente sur des sites non référencés par les moteurs de recherche. Ce marché n’est pas spécifique aux NPS (il peut aussi concerner par exemple les médicaments, les drogues illicites, les faux papiers, etc.). Leur accès est limité par le caractère confidentiel des adresses Internet, les URL ne pouvant être communiquées qu’entre individus. Ce marché est plus marginal et suppose que l’usager soit inséré dans un réseau de consommateurs ou de vendeurs, qu’il dispose de compétences informatiques et adhère à un mode de transaction inhabituel (monnaie virtuelle) ;
les petites annonces : ces sites généralistes de petites annonces gratuites présentent les NPS comme n’importe quel produit de consommation courant vendu par un particulier. En 2011, on estime qu’il existait une trentaine de ces sites, proposant les NPS les plus « populaires ». En pratique, peu d’usagers semblent avoir recours à ce mode d’approvisionnement, qui s’apparente parfois à des arnaques.
Enfin, il existe des sites qui ne se présentent pas du tout comme vendant des produits psychoactifs mais qui les proposent sous la forme de tous autres produits de consommation. La méphédrone, par exemple, a été proposée comme engrais ou comme sel de bain, les cannabinoïdes ont été présentés comme des encens, d’autres substances comme des nettoyants de bang (pipe à eau).
Les sites de vente peuvent changer d’adresse au cours du temps et en fonction des évolutions de la législation concernant l’une des substances proposées. L’interdiction de la méphédrone en 2010 s’est traduite par une baisse immédiate et significative du nombre de sites de vente concernés (de 77 au début 2010 à 7 en fin d’année). Cette tendance a toutefois commencé à s’inverser début 2011 (15 sites de vente répertoriés en février 2011) [3].
Le marché physique
Le phénomène des ventes « directes » est maintenant de plus en plus observé dans l’espace festif alternatif sur l’ensemble des sites du dispositif TREND. Ces reventes ne sont pas le fait de réseaux organisés, mais plutôt d’usagers ou de dealers isolés ayant obtenu le produit via Internet et se livrant à des petits trafics [4].
Prix
Sur Internet, les NPS sont souvent proposés à des prix variant de 8 à 20 euros le gramme, selon les sites de vente. En 2011, les prix des NPS à la revente, c’est-à-dire les prix « de rue », sont en moyenne 3 fois plus élevés que ceux en ligne. Pour une quantité achetée d’un gramme, la somme dépensée par les usagers passe de 10 euros pour un achat direct sur un site de vente en ligne à 30 euros pour un achat auprès d’un revendeur. Les prix moyens des NPS sont donc très compétitifs par rapport à ceux des substances illicites qu’ils imitent [1].
Saisies
Entre 2008 et 2017, le nombre de saisies de NPS est passé de 21 à 2 000 (saisies douanières et policières). Jusqu’en 2012, la majorité des NPS était saisie dans des enveloppes avec de petites quantités de plusieurs produits et à destination de l’utilisateur final. Depuis début 2013, il s’agit davantage de paquets (500 g à 5 kg) contenant un seul produit, témoignant probablement d’achats à des fins de trafic. Leur circulation sous cette forme pourrait indiquer une activité plus importante sur le « deep web » [5].
Conséquences
Les cathinones, notamment l’alpha-PVP et la MDPV, sont les NPS ayant occasionné le plus d’intoxications aiguës et de décès dans l’UE. En France, 142 cas sanitaires, pour lesquels 17 molécules différentes étaient impliquées, ont été signalés entre 2009 et 2014. Cependant, à l’heure actuelle, les risques à long terme de l’usage de ces produits (c’est-à-dire leur toxicité chronique ou leur potentiel de pharmacodépendance) sont très peu connus. Des études s’avèrent nécessaires pour réaliser cette évaluation. Les premières études sur les effets et la toxicité chez l’homme ont commencé à paraître en 2012.
Site OFDT
Sélection de documents
1. Martinez M. et Lahaie E., « Nouveaux produits de synthèse » dans OFDT, Drogues et addictions, données essentielles, Saint-Denis, OFDT, 2013, pp. 266-272.
2. Lahaie E., Martinez M. et Cadet-Taïrou A., « Nouveaux produits de synthèse et Internet », Tendances, n°84, 2013, 8 p.
3. Lahaie E., Enquête SINTES 2009 sur la composition des produits de synthèse, Saint-Denis, OFDT, 2010, 48 p.
4. Cadet-Taïrou A. et Gandilhon M., « Marchés, substances, usagers : les tendances récentes (2011-2012) », Tendances, n°86, 2013, 8 p.
5. EMCDDA, Risk assessment report of a new psychoactive substance: 4-methylmethcathinone (mephedrone), Lisbonne, EMCDDA, 2010, 16 p.