Manifeste pour l’humain

Marjo Plastie

Nous,
nous ne voulons pas,
nous ne voulons pas de leurs murs, de leurs clés, de leurs récompenses, de leurs frontières, 
nous ne voulons pas de leurs monnaies, de leur réussite, de la définition qu’ils voudraient en donner,
nous ne voulons pas de leurs titres, de leurs bijoux, de leur brillance crasse.
Nous sommes nombreux à ne pas en vouloir.
Nombreux, et esseulés.
Eux, ils savent pactiser, 
eux, ils gouvernent, ils font les lois, 
ils établissent les règles du jeu, 
ils jouent.
Qu’ils ne s’étonnent tout de même pas de gagner.
Nous,
nous ne voulons pas jouer,
nous ne voulons pas de leurs cartes, de leurs journaux, de leurs carrières,
nous ne voulons pas de leur argent dégoulinant de sang et de sueur salariée, 
nous ne voulons pas de leur pouvoir,
nous ne voulons pas diviser, ni régner ni exclure, 
nous ne voulons pas faire semblant de savoir parfaitement,
nous ne voulons ni obéir ni imposer, nous ne voulons pas de nations, pas de lieux d’enfermement punitifs, pas de ghettos,
ni ségrégation ni bonnets d’ânes, nous désirons prendre le risque de l’humain,
entièrement.
Nous,
nous sommes leurs fous, leurs utopistes, leurs non-intégrés, leurs fainéants, les exemples à ne pas suivre, les fossoyeurs du PIB, 
sommes-nous les rêveurs ?
Nous sommes humanistes, libéraux dans le sens non souillé du terme, 
et nous sommes réalistes.
Le capitalisme et les états-nations sont des chimères moins solides que nos existentialismes, leurs privilèges sont plus liquides que nos éthiques, 
nous devons rester fiers 
de nos tout petits pas,
de nos petites luttes,
de nos combats, 
fiers de combattre à armes inégales,
nous nous devons de ne pas rendre les nôtres,
de ne pas les vendre,
nous nous devons surtout de ne pas avoir peur.
Nous avons la désobéissance, 
la parole, la lucidité des hésitants, 
l’histoire de nos quartiers, de nos ruelles, de nos appartements,
nous avons de notre côté la force des suicidés, la puissance des morts en Méditerranée, la colère des humiliés et le souvenir indécrottable du râle de l’enfant décharné par leurs barbelés.
Nous avons le regard du gamin sur l’homme à terre,
l’enfant qui nous demande pourquoi 
et comment tout ça est possible.
Nous, 
nous ne voulons pas de leur gloire, de leur savoir-faire stratégique, de leurs costumes,
nous ne voulons pas de leur salive, de leurs statues, de leurs palais, de leurs projets,
nous ne voulons pas nous faire croire que nous savons parfaitement 
et nous devons être sûrs de ça,
nous ne savons pas parfaitement, nous voulons hésiter, nous voulons tâtonner, 
nous voulons prendre le risque de l’humanité.
Nous répéterons sans relâche que chaque humain est humain, 
nous répéterons cette idée basique, élémentaire,
politiquement pourtant si incorrecte.
Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser 
passer les trains remplis de leurs outils de propagande et de répression,
nous ne pouvons plus nous permettre de laisser filer l’histoire comme un véhicule en marche inexorable,
nous ne pouvons pas laisser l’humiliation et les maîtres faire tranquillement 
leur travail de sape,
nous ne pouvons pas nous permettre de Nous laisser tomber,
qu’est-ce qu’on attend pour choisir des cibles et y foutre nos feux ?

Fabien Drouet

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