Les premiers essais c’était avec les copains, l’eau écarlate, le trichloréthylène, les amphétamines, le captagon.
On en piquait au grand-père de mon pote qui avait la maladie de Parkinson je crois… on sniffait ça et ça nous euphorisait, tu m’étonnes la montée !!
Sur le Vieux Port y’avait une quarantaine de gars pour leur acheter de la beuh ou cinq ou six shits différents en fonction des affaires géopolitiques, dans mon quartier du libanais jaune, du marocain, de l’afghan … Y’avait l’héro chinoise turquoise, la blanche marseillaise, la marron iranienne…

Nous après deux jours sous Captagon on avait faim. On avait voulu faire des pâtes mais comme on était défoncés on a oublié, toute l’eau s’est évaporée. Ça commencé à cramer, heureusement la flamme s’est éteinte… Avec le gaz ça aurait pu être la catastrophe. Donc ce que je voulais dire, pour en revenir à ce que je dis, c’est qu’on s’en est tellement de fois bien sortis mais pas toujours…
J’étais un genre d’expert de la défonce, des mélanges. J’ai presque essayé tous les médocs et tellement d’hallucinogènes. Les barbituriques c’est le pire avec le Roipnhol… La drogue du violeur, ça n’avait pas de goût. Le GHB selon moi, c’est ce à quoi ça correspond aujourd’hui, rapport à la mémoire. Il suffisait juste d’un demi verre de bière avec et ça te mettait à l’envers.
Y’a des nouvelles défonces de synthèse mais sans initiations c’est compliqué comme d’autres drogues avant.
On était une bande et on a eu la bonne ou mauvaise idée de prendre une drogue hyper hallucinogène. Un copain c’est retrouvé en slip et a essayé d’ouvrir une voiture pas à lui.
Un autre à 3 h du matin a apporté à son père une immense télé pour lui offrir. Le père il a appelé direct la psychiatrie. Donc il s’est retrouvé en psychiatrie.
Moi j’ai déjà des hallu dont je savais pas que c’était des hallu au début. Quand j’ai commencé à monter en grade de consos, que j’échangeais une drogue contre une autre, que je prenais des quantités d’acides, là je savais ce qui pouvait arriver. Je savais mieux faire la part des choses ; on a pris plein de médicaments comme des drogues.
On est marqué par des nœuds psychiatriques qui nous font des névroses. Dans la vie y’a les égoïstes qui s’apitoient sur leur sort, qui sortent pas de tourner en rond. Faut sortir du cercle et partir en spirale pour sortir de ce marasme, c’est comme ça qu’une fusée elle décolle.
Les gens ils travaillent toute leur vie pour crever à la retraite, en bouffant mal, en ayant souvent élevé des enfants mal. On est les sacrifiés. Des femmes deviennent des machines à fabriquer des cas sociaux ! Arrêtez-vous là ! Dirigeants irresponsables !
Une des éducatrices que j’ai eu, Paulette une éducatrice d’Endoume, elle travaillait avec les jeunes et elle savait qu’avec les vies qu’on menaient y’avait pas mal de morts.
Aujourd’hui j’ai arrêté de boire depuis 6 ou 7 ans, j’ai arrêté la défonce y’a 20 ans, de temps en temps un ptit snif de coke ou un ptit gramme… parce que trop de trucs sont synthétiques ! Tout est devenu de la merde ! C’est incroyable tout ça pour moi…
Aujourd’hui c’est du sport, l’eau… Comme dans ma vie je m’étais fait un programme jeune et que je suis pas mort ben mes hantises et les trucs du passé je les ai dépassés donc rien ne pousse à vouloir être toujours high, ailleurs, vu les quantités c’est surement pour masquer des douleurs. Moi j’ai plus de manque. J’ai du plaisir à me reposer la cervelle.
Quand j’ai eu mes premiers sentiments de réelle liberté, j’ai failli mourir, accident de mobylette, etc… C’est tombé au moment où ma mère m’a répudié, donc tu te retrouves à la rue donc t’as pas le choix trop…. Et les gens que je fréquentais ils me disaient que c’était pas de ma faute alors que jusque-là j’avais toujours cru que j’étais un mauvais garçon ou j’en sais rien. Quand tu grandis avec des « vous avez gâché ma jeunesse ! » tu te construis avec des idées préconçues avec des œillères d’enfant. Tu comprends rien à la vie.
Les gens du mouvement alternatif…. Je voyais un gars qui me demande un Franc je lui dis : « mon pauvre ami j’ai rien !» Il avait l’air bien habillé, je lui ai demandé son âge il m’a dit qu’il avait 15 ans, il venait de Nice. Il n’avait pas l’air affligé, il était dégourdi, il m’a donné des ficelles pour les récup et vols alimentaires même si je le savais déjà. A l’époque y’avait pas les distributions alimentaires comme il y a maintenant.
Les choses elles ont évolué dans les années 80. J’ai vu apparaître les restos du cœur, les assos dans la rue… Avant fallait compter sur soi-même et sur le côté marseillais généreux populaire… Y’avait aussi des petits boulots, tu passais des coups de balais et le barman il te payait un coup, un sandwich, tu pouvais récupérer les consignes… Toutes la rue Paradis y’avait de quoi faire. Aller aider les maraîchers sur les déchargements les jours de marché, aider les cafetiers à sortir et rentrer leurs tables et chaises en terrasse, etc…
Maintenant la mendicité elle est partout, omniprésente… avec beaucoup moins de petits échanges avec les commerçants qui permettent la survie, la sociabilité des personnes qui vivent dans la rue.
Le Daron Rouge