L’apparition de nouveaux produits de synthèse

Dans les années 2000, les « drogues de synthèse » étaient un symbole de l’appartenance au mouvement techno, se distinguant de l’usage des « vieilles drogues traditionnelles » (cocaïne et héroïne). L’appellation désignait alors principalement l’ecstasy (la MDMA sous la forme de comprimé) ou encore les produits « de niche » (LSD, kétamine) et les substances utilisées pour arnaquer le consommateur, souvent des médicaments. Fin 2010, elle est sur le point de prendre un autre sens, où la BZP [ La BZP est l’un des tout premiers NPS connus, formellement identifié en 2006 en France, vendu sur Internet parfois avec des noms commerciaux et présenté comme un remplacement légal de l’ecstasy. ], la méphédrone [ La méphédrone ou 4-MMC, identifiée en France en 2007 dite aussi meow meow en anglais, est la première cathinone (une famille chimique de stimulants empathogènes) à avoir une grande visibilité à l’époque notamment en Grande-Bretagne. ] et le JWH-018 [ Le JWH-018 identifié en France en 2011, est le cannabinoïde de synthèse qui a le plus fortement marqué le marché, en restant très présent dans les saisies jusqu’en 2013 environ. En 2019, il continue à être parfois observé. ], plus souvent désignés avec les expressions party pills, sels de bain et spice, sont les premières molécules à figurer une longue série à venir : les Nouveaux produits de synthèse (NPS).

Dès 2005, l’Early warning system (EWS) [ En France, l’EWS intègre l’ANSM et le réseau d’addictovigilance français, la police, la gendarmerie, les douanes, SINTES, les structures d’addictovigilance…
https://www.emcdda.europa.eu ], le dispositif de l’Union européenne (UE) pour monitorer les tendances pionnières dans le champ des drogues, a proposé une nouvelle définition pour catégoriser le phénomène des NPS en prenant comme base le « négatif » de la définition internationale d’une drogue[ Directive (EU) 2017/2013 du 15 novembre 2017 modifiant la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil afin d’inclure de nouvelles substances psychoactives dans la définition du terme « drogue » et abrogeant la décision 2005/387/JAI du Conseil.] : est considérée comme une Nouvelle substance psychoactive (NSP), tout produit non couvert par les traités internationaux du champ et présentant une similarité de risque avec les substances déjà visées par ces mêmes textes. Cette définition est plus large que les NPS, même s’ils restent majoritaires en son sein, elle couvre des substances ayant parfois plusieurs décennies d’existence, ou conçues à des fins légales comme des plantes (kratom, khat…) ou des médicaments (kétamine, quiétapine, bupropion…). L’OFDT utilise l’expression NPS pour en valoriser les caractéristiques clés : une molécule artificielle, créée ou récemment réexploitée pour le marché, vendue via Internet, présentée comme imitant les effets des substances connues (cannabis, MDMA, héroïne…) et pouvant ne pas être classée comme stupéfiant lors des premiers temps de son apparition.

En investissant de façon aussi novatrice le marché des drogues, les NPS ont émaillé la décennie écoulée d’incidents, illustrant un marché kaléidoscopique, des groupes distincts de consommateurs inscrits dans des contextes et des recherches d’effets différents, obligeant les pouvoirs publics à faire évoluer leurs actions dans le champ des drogues.

Des familles de nombreuses molécules, pour de rares élues

Depuis 1998, 334 NPS ont été identifiés en France dont 90 % durant les 10 dernières années (voir Figure 1). Classés en 11 familles chimiques, ils peuvent être rassemblés en 5 groupes d’effet, selon le produit principal qu’ils tentent d’imiter :
-les cannabinoïdes de synthèse (80 molécules) qui imitent les effets du cannabis
-les cathinones qui sont des stimulants aux effets proches de la cocaïne ou la MDMA (90 molécules)
-les hallucinogènes (92 molécules)
-les opiacés et les dépresseurs (28 molécules)
-les stimulants proches de l’amphétamine (20 molécules).
Les autres familles de NPS (24 molécules) se répartissent à la marge de ces groupes, en fonction de l’effet de chaque molécule considérée.

Figure 1 Nombre de premières identifications en France, réparties par an et par famille chimique (Sources : SCL, INPS, IRCGN, SINTES, compilation OFDT).

Au début, l’offre s’est axée sur des molécules hallucinogènes ou dissociatives (kétamine, LSD), puis elle s’est structurée sur les cannabinoïdes de synthèse et les cathinones, deux familles qui se rapprochent des drogues consommées par le plus grand nombre[ Selon le volet « Drogues illicites » du Baromètre santé 2017, le cannabis a été expérimenté au cours de la vie par 44,2 % des personnes ayant entre 18-64 ans et la cocaïne par 5,6 %.], avant de se déployer plus récemment sur les effets de l’héroïne et des anxiolytiques, via les fentanyloïdes et les nouvelles benzodiazépines.

Figure 2 Distribution des NPS identifiés une première fois en France, selon le nombre de leur mise en évidence chimique au cours de l’année dans des saisies ou des collectes (Sources : SCL, INPS, IRCGN, SINTES, compilation OFDT).

Si le nombre de NPS peut impressionner, leur rythme de détection décroît d’année en année, aussi deux tendances sont à considérer. D’une part, moins de la moitié des NPS identifiés en UE (environ 800 fin 2019[ Recensement via l’European Database on new drugs, accès restreint. ]) et a fortiori dans le monde (920 fin 2019[ Recensement via la base de l’ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime), accès restreint. ]) le sont en France, ce qui rend possible des identifications ultérieures sur le territoire, mais en même temps, on observe qu’entre 10 à 20 % seulement des NPS connus en France reviennent d’une année sur l’autre, soit 20 à 40 molécules au maximum (voir Figure 2).

Sur la base uniquement des saisies et des collectes SINTES (Système d’identification national des toxiques et substances), il est ainsi possible d’observer qu’il existe des schémas différents de diffusion de NPS, avec sur le marché une visibilité ponctuelle, stable dans le temps, ou au contraire un effacement. La famille de produits la plus visible est celle des cathinones, avec comme représentante la 3-MMC, l’un des NPS les plus identifiés annuellement dans les saisies depuis 2014 (avec la 4-MEC et l’éthylphénidate). Plus qu’un produit en particulier, les cannabinoïdes de synthèse sont aussi un groupe remarquable de NPS, en étant la seule famille pour laquelle le niveau d’expérimentation[ Le niveau d’expérimentation est l’estimation statistique parmi les 18-64 ans du fait de consommer un produit au moins une fois au cours de la vie. ] est estimé (1). Au début mis en vente sous forme de poudre, ou avec une forme proche des habitudes de consommateurs non avertis (résine, herbe), la forme e-liquide à partir de 2014 en a renouvelé l’offre et la demande. Elle a facilité sa diffusion auprès des personnes expertes, comme des naïves, ainsi que le montre les intoxications récentes recensées par le réseau d’addictovigilance français et les collectes SINTES sur le croissant nord de la France, de la Bretagne à la Bourgogne–Franche-Comté. À la différence des cathinones, il n’existe pas de molécules de cette famille qui soient clairement identifiées par les consommateurs, car leur vente de la main à la main se fait encore avant tout par des arnaques ou des noms inventés.

Si les opioïdes de synthèse (par exemple les fentanyloïdes) suscitent une inquiétude particulière pour les pouvoirs publics du fait des surdoses qu’ils peuvent vite engendrer [ Voir l’action 17 de la « feuille de route » de lutte contre les opioïdes établie pour 2019-2020 sous l’égide de la Direction Générale de la Santé https://solidarites-sante.gouv.fr ], à ce jour, tous les échantillons d’héroïne repérés en France et contenant des NPS opioïdes tels les fentanyloïdes (en priorité l’ocfentanil) ont été achetés sur le Darknet, à l’exception de ceux impliqués dans une série de surdoses et décès survenus en 2016-2017 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Un marché numérique dynamique, mais un marché physique à la peine

Les NPS s’obtiennent sur le web de surface[ Le web de surface correspond au web référencé par les moteurs de recherche habituels et accessible à tous. ], plutôt que sur le Darknet, où des sites de ventes les proposent soit en toute transparence, à demi-mot ou en mentant sur leur nature. L’achat en ligne implique la distribution par voie postale, ce qui complique le travail des forces de sécurité intérieure. Le marché physique, c’est-à-dire une revente où le produit est acheté de la main à la main, est beaucoup plus rare et ne reste encore observé en 2019 que localement et ponctuellement.

Sur le web de surface, la typologie de l’offre a évolué, passant de 3 catégories en 2010 – petites annonces, sites dits « commerciaux » ou « spécialisés » –, à des sites hybrides, mélangeant les codes, parfois ne présentant qu’une famille chimique. En 2013-2014, les sites ciblant le marché français étaient plutôt « commerciaux », avec des noms inventés de produits, une esthétique colorée et graphique, un éventail important d’items incluant des plantes… L’offre est aujourd’hui moins commerciale, avec des emballages plus neutres reçus par le consommateur, et favorise davantage le paiement par cryptomonnaie. S’il était acquis qu’une part non négligeable des sites étaient localisés aux Pays-Bas, il n’est pas possible en 2020 de le réaffirmer, en l’absence d’une vérification des sites existants. L’innovation reste de mise toutefois, notamment sur le conditionnement des produits, avec des benzodiazépines retrouvées sur des « buvards » (2), des sprays nasaux pour les opioïdes (pratiquement jamais observés en France), ou des cannabinoïdes de synthèse sur des supports imitant mieux la résine ou l’herbe, ou vendus en e-liquide.

Ce dernier format a favorisé des trafics locaux en lien depuis l’été 2019 sur la moitié nord de la France, alors qu’auparavant ils étaient plus circonscrits et rares, même si la vente de cannabinoïdes de synthèse dans la rue est plus facilement observée que pour les autres NPS. Une exception notable est par ailleurs la situation de Mayotte et de la Réunion, où depuis 2014, un trafic de cannabinoïdes de synthèse se tient, avec la pratique de « la chimique » (3,4). (Voir aussi le dossier « Addictions Mayotte » du numéro 4 de SaNg d’EnCRe).

En général, le marché physique des NPS se traduit le plus souvent par une vente isolée, lors d’arnaques aux produits traditionnels, ce qui s’est vérifié notamment dans l’espace festif, avec la méthoxétamine à la place de la kétamine, les 25-xNBOMe à la place du LSD, ou encore l’alpha-PVP en espace urbain. Il arrive aussi que des molécules avec une toxicité plus remarquable soient brièvement identifiées comme des substituts plus systématiques et fassent l’objet d’un suivi particulier en UE comme en France (PMMA, 4,4’DMAR…).

Il est délicat d’estimer l’ampleur de la diffusion des NPS, quel que soit le marché, car si les quantités saisies sont faibles, il faut considérer que le volume nécessaire pour une dose de consommation est moins important que pour les produits traditionnels.

Consommateurs discrets, opportunistes et hétéroclites

Les premiers consommateurs de NPS ont été identifiés en lien avec l’espace musical de la trance et caractérisés comme ayant un attrait particulier pour les psychédéliques naturels. Cette première figure a été confortée avec l’apparition par la suite de l’archétype du consommateur de NPS, « l’e-psychonaute » (5). Cette expression désigne des personnes qui allient à la fois une démarche volontaire de modification des sens (le psychonautisme) et l’usage des forums de discussion en ligne, à la fois comme lieu de recherche d’information mais aussi, comme un support essentiel de leur sociabilité autour de leurs pratiques. Comme pour l’usage des drogues en général, il s’agit souvent d’hommes adultes, relativement jeunes, avec une forte polyconsommation préexistante, sans homogénéité socio-économique (6).
En sus des grandes tendances que dessinent les données des saisies (la circulation prioritaire de 20 à 40 molécules par an), les collectes directes auprès des consommateurs et les observations du réseau TREND[ TREND (Tendances Récentes et Nouvelles Drogues) est un dispositif national de l’OFDT de collecte de données qui vise à détecter les phénomènes émergents, décrire et comprendre les évolutions des pratiques, assurer une veille sur les substances dangereuses et sur les nouvelles drogues et qui peut mener des investigations spécifiques. TREND s’appuie sur un réseau de 8 coordinations locales implantées à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes et Toulouse. ] montrent que l’usage des NPS s’est en effet émancipé du seul groupe des e-psychonautes, pour essaimer vers des espaces-groupes connus, identifiés depuis 2009 par TREND, avec des profils différents de consommation, mais où la part de personnes concernées par cet usage reste faible :

-Les personnes évoluant en espace festif alternatif ou commercial peuvent avoir des représentations opposées, en ayant des postures de curiosité ou de méfiance, en arguant que les drogues plus connues sont davantage « gérables ».
-Les personnes ayant un passé important de polyusages, en voie de stabilisation ou stabilisés, forment aussi un autre groupe, pour lequel l’étude des forums comme Psychoactif.org assure une relative visibilité. Le positionnement des personnes envers les NPS est différent de celui des e-psychonautes, avec une démarche empreinte de la culture de la Réduction des risques et des dommages, mais moins motivée par les produits psychédéliques. Pour ces personnes, la possibilité d’acheter ces produits sur Internet résout de potentielles difficultés à accéder à des réseaux de revente, tandis que les NPS offrent de nouvelles sensations et terrains d’exploration, là où les effets souhaités sont moins, ou plus du tout, obtenus avec les produits « traditionnels ».
-Les chemsexeurs forment un groupe spécifique, dont la visibilité s’est accrue après 2009 avec l’arrivée des NPS et notamment des cathinones. Le polyusage de stimulants, le recours au GBL[ Le GBL (gamma-butyrolactone) est un solvant industriel, qui une fois ingéré, est métabolisé en GHB par le corps humain ; c’est pourquoi on dit que le GBL est un précurseur du GHB, et qu’ils ont les mêmes effets.] et la consommation 3-MMC à des doses élevées et répétées l’ont fait émerger comme nécessitant une prise en charge spécifique, du fait des risques propres à ces produits, mais aussi des risques connexes comme la transmission de maladies ou infections sexuelles et l’exposition à des violences sexuelles (7).
-Les consommateurs de cannabinoïdes synthétiques sont un public identifié en population générale où environ 1,5% des 18-64 ans ont expérimenté les CS au cours de leur vie (BIB Spilka S., Richard J.-B., Le Nézet O., Janssen E., Brissot A., Philippon A., Shah J., Chyderiotis S., Andler R., Cogordan C. (2018) Les niveaux d’usage des drogues illicites en France en 2017. Tendances, OFDT, n° 128, 6 p.). Les incidents sanitaires liés à l’usage de l’e-cigarette, notamment chez les plus jeunes, montrent également ces consommations, même si elles sont alors le plus souvent involontaires. Ce public est aussi observé par TREND dans les Consultations jeunes consommateurs, lorsque les personnes y sont reçues suite à une orientation judiciaire et qu’elles témoignent de leur usage à la place du cannabis, afin de tenter de tromper le dépistage de ce dernier (puisque ce sont des substances proches mais différentes du cannabis naturel, elles pourraient ne pas être détectées ). Enfin, il est aussi mis en évidence par l’observation des forums où des utilisateurs évoquent leur fabrication personnelle d’e-liquide (8).
-La consommation de NPS par des personnes emprisonnées, ou en situation de précarité, vues en CAARUD (Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues), reste minoritaire, à quelques exceptions près et à l’inverse de ce qui est observé dans l’UE.

Dans chacun de ces groupes, il est possible d’identifier de 1 à 3 NPS ayant une diffusion minimale, soit du fait des consommateurs, parce qu’ils ont un intérêt pour leurs effets particuliers, ou de l’offre, qui met ces produits sur le marché, le plus souvent à l’insu des choix de ses clients. Cette diversité renforce le constat que chaque NPS a un schéma différent de diffusion, structuré par des paramètres en lien avec le niveau international, l’initiative locale de certains revendeurs et la manière dont le public visé s’adapte au produit proposé. La 3-MMC est ainsi utilisée différemment que chez les chemsexeurs, par les personnes ayant un autre contexte de consommation que ceux-ci, avec des doses et des fréquences rendant moins visibles ces pratiques dans les données sanitaires. L’alpha-PVP lui, a d’abord été rejeté en 2013 par les e-psychonautes, avant de resurgir en 2015 dans les réseaux physiques de trafic dans le sud de la France et être plus ou moins adopté par un public essentiellement de rue sur environ deux ans.
Plus les usages observés s’éloignent du « noyau dur » des e-psychonautes, où leur usage y est choisi et documenté, plus les usages de NPS sont davantage subis. Les personnes les consomment en étant un peu, voire pas du tout, conscientes et informées de la nature de ce qu’elles utilisent. Par exemple, ce peut être des personnes qui vont avoir une expérience opportuniste du produit, à l’occasion d’une soirée où une connaissance en possèdera, ou bien qui vont être arnaquées, en achetant auprès d’un revendeur un produit présenté comme la drogue qu’elles recherchent.
D’une manière générale, les produits étant souvent proposés à l’insu des personnes, celles-ci ont de mauvaises expériences, avec des effets indésirables physiques ou/et psychologiques, dont le trauma vient renforcer une image négative des NPS.

La lente valse de la nouveauté

En 10 ans, le phénomène NPS reste récent, tout en ayant connu des évolutions dans la structure de son offre (famille prédominante, maintien ou « disparition » de produits), son accessibilité (usage de cryptomonnaies sur le web de surface), les modes de consommation (e-liquide pour les cannabinoïdes, buvards pour des benzodiazépines…). Il a déjà aussi profondément marqué le champ des drogues, en invitant le législateur à délaisser le classement individuel des substances (c’est-à-dire une par une) pour des classements « génériques », recouvrant une large part des molécules d’une même famille chimique, même si elles ne sont pas préalablement identifiées sur le territoire.

L’une des interrogations des forces de sécurité intérieure était l’adaptation des acteurs du marché traditionnel des drogues à cette nouvelle offre, qui semble venir les concurrencer. Il apparaît que les NPS ne se diffusent généralement que lorsque l’accès à ce marché traditionnel est difficile (l’Estonie pour l’héroïne, le Royaume-Uni pour les benzodiazépines, l’est de l’Allemagne pour le cannabis, etc.). Or, l’offre actuelle est florissante, y compris pour les produits rares (LSD, kétamine), ce qui incite les personnes à rester sur des schémas connus de consommation.

S’il est acquis que la vague des NPS n’a pas modifié la structure générale de l’offre de drogues ou des habitudes d’usages, ses répercussions peuvent n’apparaître qu’à long terme. Leur économie a une certaine résilience, car se présentant comme les remplaçants des produits connus, ils investissent tous les segments du marché des drogues. Avec eux, des pré-précurseurs ou pro-drogues sont apparus, facilitant la synthèse de produits phares comme la MDMA, ce qui soutient et renforce la productivité du marché usuel. La médiatisation des NPS agit aussi comme une caisse de résonnance pour de « nouvelles-vieilles » drogues (comme le DOC ou le 2C-B par exemple), identifiées dans des usages confidentiels dès 2000, qui ont disparu, puis réapparu, cette fois considérées comme « sûres » face à des produits plus récents.

La réalité éclectique de l’usage des produits dans l’espace festif était soulignée il y a 10 ans et les NPS, en raison de leur variété et de la pérennité de leur disponibilité, renforcent cette tendance. Chaque groupe de consommateurs, défini par un produit, une pratique ou un espace particulier d’observation, avance dans la découverte des NPS selon un rythme modulé par l’évolution, voire l’amélioration de ses représentations sur les produits, de l’acquisition d’un savoir-faire dans la maîtrise de la consommation et la question sans cesse renouvelée, de l’accès et de la disponibilité des produits initialement préférés. La MDMA par exemple, considérée en 2009 comme « ringarde » et comme ayant atteint sa phase plateau, poursuit aujourd’hui une progression continue en population générale, avec une image rénovée. Entre l’image de drogues dangereuses au point de rendre cannibale (ex. l’alpha-PVP ou dite Flakka dans les médias) et celle de drogues à la carte (9) (c’est-à-dire une offre large qui permet de composer son choix), le processus menant à l’établissement de pratiques stabilisées autour des NPS n’est pas abouti.

Magali Martinez, chargée d’études à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

Bibliographie :

  1. Spilka S, Richard J-B, Le Nézet O, Janssen E, Brissot A, Philippon A, et al. Les niveaux d’usage des drogues illicites en France en 2017. Tendances n°128. 2018. 6 p.
  2. DETREZ V. Le Point SINTES n° 6. Paris: OFDT; 2020. 12 p.
  3. Roussel O, Carlin MG, Bouvot X, Tensorer L. The emergence of synthetic cannabinoids in Mayotte. Toxicologie Analytique et Clinique. 2015; volume 27, issue 1, pages 18‑22.
  4. Cadet-Taïrou A, Gandilhon M. L’offre, l’usage et l’impact des consommations de « chimique » à Mayotte : une étude qualitative. Saint-Denis: OFDT; 2018.
  5. Martinez M. Les e-psychonautes, des usagers sous influence numérique. In: Beck F, éditeur. Jeunes et addictions. Saint-Denis: OFDT; 2016. pages 70‑73.
  6. Cadet-Taïrou A. Profils et pratiques des usagers de nouveaux produits de synthèse. OFDT, éditeur. Vol. 108, Tendances. 2016.
  7. Milhet M, Néfau T. Chemsex, slam. Renouvellement des usages de drogues en contextes sexuels parmi les HSH. Théma TREND. Saint-Denis: OFDT; 2017.
  8. Martinez M, Néfau T, Cadet-Taïrou A. Nouveaux produits de synthèse. Dix ans de recul sur la situation française. Tendances n°127. 2018. 8 p.
  9. Hautefeuille M. Drogues à la carte. Paris: Payot; 2002. 240 p.
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