La vie a un prix

Le prix des nouveaux traitements contre l’hépatite C : health is business !

La lutte contre l’hépatite C a connu un tournant en 2014 avec l’apparition des antiviraux à action directe (AAD), une véritable avancée thérapeutique. Le laboratoire à l’origine de cette découverte plaça un brevet sur son premier médicament, le sofosbuvir (commercialisé sous le nom de Sovaldi©). Or, qui dit « brevet », dit « monopole » : les tarifs demandés furent donc faramineux, environ 40 000€ pour un traitement individuel de 12 semaines en France… Avec pour première conséquence de ce libéralisme sanitaire promu par le désinvestissement étatique, un accès au traitement restreint car estimé trop cher pour l’Assurance Maladie : seules les personnes avec un stade de fibrose avancée purent en bénéficier, soit 1% des personnes atteintes par l’hépatite C.

Or ce traitement ne vaut en réalité que quelques centaines d’euros à produire. Plusieurs pays refusent le brevet au sofosbuvir car ils ne le considèrent pas comme une innovation suffisante et l’Egypte commence même à produire le médicament générique en 2015 pour un prix de 70€ les 12 semaines de traitement. Une société égyptienne, Tour N’Cure, a d’ailleurs su profiter du bas prix du traitement pour proposer du tourisme médical : pour environ 6000€ elle offre le vol, un séjour d’une semaine, des tests sanguins et un traitement, avec en prime 5 jours consacrés au tourisme au pays des Pharaons [1].

Début 2016, une lettre ouverte est écrite par plusieurs associations de santé [2] à l’intention de la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine, afin de dénoncer l’injustice induite par le prix exorbitant du traitement :

« Les prix prohibitifs exigés par les laboratoires entravent l’accès à ces traitements, alimentent d’intolérables discriminations, pillent nos systèmes de santé solidaires. En France — pour la première fois — les pouvoirs publics ont rationné l’accès aux soins, réservant ces traitements aux personnes à des stades avancés de la maladie alors que les études montrent qu’il est préférable d’initier un traitement précoce avant que le foie ne se dégrade. » [3].

A cela s’ajoute une campagne de Médecins du Monde qui lance une pétition contre l’inflation des prix de certains médicaments qui apparait injustifiée.

Suite à cette mobilisation forte des associations et l’urgence sanitaire, l’accès universel au traitement AAD est enfin décidé par le gouvernement, les prix sont alors renégociés en misant sur le fait que si l’Etat achète plus de traitements (car plus de patients potentiels) alors les prix vont baisser. A cela s’ajoute le fait que d’autres laboratoires pharmaceutiques sont capables de produire des molécules similaires, mais toujours brevetées. Après plus de 18 mois de négociations avec les différents laboratoires pharmaceutiques, en 2018 le prix par patient pour 12 semaines de traitement est fixé à environ 28 000€. Et à ce prix le voyage touristique au pays des fromages n’est pas inclus.

LBM

[1] http://www.tourncure.com/en/ 

[2] Médecins du Monde, SOS Hépatites Fédération, Collectif interassociatif sur la santé (CISS), Fédération Addiction, AIDES, le TRT-5, Collectif hépatites virales (CHV) et Comede

[3] https://seronet.info/article/lutte-contre-lhepatite-c-des-traitements-pour-tous-74440 

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