« Le rétablissement en santé mentale est un processus personnel et subjectif », Brice Martin et Nicolas Franck, 2008.
Patricia Deegan, psychologue américaine, hospitalisée puis diagnostiquée schizophrène à l’âge de 17 ans défend le concept de rétablissement en santé mentale en tant que porte-parole du mouvement Recovery. Elle précise que « le rétablissement n’est pas le privilège de certains patients exceptionnels. Le rétablissement est un processus, non pas un résultat ou une destination. Le rétablissement est une attitude, une manière d’approcher ma journée et les défis auxquels je fais face. Être en rétablissement signifie que j’ai certaines limitations et qu’il y a des choses que je ne peux pas faire. Mais plutôt que de laisser ces limitations devenir une occasion de désespérer et de renoncer, j’ai appris qu’en étant consciente de ce que je ne peux pas faire, je peux aussi m’ouvrir à toutes les possibilités des choses que je peux réaliser ».
D’après Sherry Mead et Mary Ellen Copeland « l’objet ultime de l’expérience de rétablissement n’est pas nécessairement de retrouver la santé en termes de rémission de symptômes. Il s’agit plutôt pour une personne de parvenir à l’utilisation optimale de ses ressources personnelles et environnementales afin d’atteindre un état de bien-être et d’équilibre dans les conditions de vie qu’elle-même aura choisies ».
La définition du Dr William Anthony en 1993 est universelle. « C’est un processus unique et une démarche personnelle, visant à changer l’attitude, les valeurs, les sentiments, les objectifs, les capacités et/ou rôles de chacun. C’est une façon de mener une vie satisfaisante et utile, où l’espoir a sa place malgré les limites imposées par la maladie. Pour guérir, le malade doit donner un nouveau sens à sa vie, et passer outre des effets catastrophiques de la maladie mentale, d’éventuelles limitations imposées par la maladie. À travers le dépassement de cette dernière, le rétablissement passe par le développement d’un nouveau sens et d’une autre finalité à sa vie ».
Concrètement, l’objectif du rétablissement est de diminuer l’impact de la maladie ou de l’addiction dans la vie quotidienne et d’optimiser ainsi la qualité de vie des personnes. Il doit être admis aujourd’hui qu’il est possible de vivre une vie pleine et entière, ordinaire malgré un passé tumultueux, un traitement et même des symptômes résiduels. Il s’agit alors d’établir des stratégies d’adaptation propres, efficaces et pertinentes.
Le rétablissement est un processus dynamique au long cours, cette démarche est personnelle et elle tend vers une vision hors-médical.
L’impact d’un trouble mental, d’un diagnostic ou l’emprise d’une addiction peuvent entraîner un état de choc, un immense sentiment de perte voire un déni. La personne sombre dans le désespoir et se perd dans une profonde détresse. Des hospitalisations répétitives, ou sans consentement, prolongées, voire abusives peuvent créer un réel traumatisme chez une personne en souffrance qui n’a plus de contrôle, ni de maîtrise sur sa propre vie. Certains états sont très préoccupants et nécessitent un parcours de soin difficile. Tristement, la personne s’interroge sur ses possibilités et se heurte à l’« obstacle du statut de malade ». Elle laisse tomber ses rêves, ses espoirs et ses attentes.
Suite à cette période difficile, contemplative et subie, imposée par la maladie et l’environnement médical, l’usager prend conscience qu’il ne peut plus continuer ainsi et, entre autres conséquences, le risque de suicide peut planer sur son parcours, sa santé être mise en danger et son avenir lui sembler sans issue. Il décide alors de changer les choses et de reprendre le pouvoir d’agir sur sa maladie et sur sa vie. Il entre dans un processus d’Empowerment. Pour Olivia Gross, chercheuse associée au LEPS, UR 3412, à l’Université de la Sorbonne, Paris Nord, « l’Empowerment3 est un concept difficile à appréhender malgré le fait d’être plutôt bien défini : un processus social de reconnaissance, de promotion et d’augmentation des capacités des personnes à rencontrer leurs propres besoins, résoudre leurs propres problèmes et pouvoir mobiliser les ressources nécessaires ». Il s’agit de concilier projet de vie et maladie.
Alors que la résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à bien se développer, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères, on parle de rétablissement plutôt dans le cadre d’un parcours de soin en santé mentale et/ ou de combats contre les addictions. En bref c’est une notion du domaine de la santé. La vie de la personne a changé, fortement impactée elle ne sera désormais plus comme avant mais le rétablissement permet de se reconstruire positivement, de déterminer ses ressources et de réadapter sa vie de manière satisfaisante. La maladie ne doit pas prendre toute la place dans la vie d’une personne et celle-ci doit reconnaître ce qui relève de la maladie mais elle doit aussi prendre conscience de sa personnalité, de ses besoins, de ses espoirs, de ses projets, en résumé de sa partie saine. Elle développe des compétences salutogéniques, retrouve des pouvoirs d’action grâce à ses propres compétences et connaissances de patient sur la maladie. Cette étape permettra une reconstruction et enfin la perspective d’une identité positive.
Par conséquent, la personne ne sera pas forcément libérée de ses symptômes mais elle arrivera à gérer sa maladie. Elle reprendra confiance en ses capacités et maintiendra une vision positive tournée vers le futur, transformée par cette traversée comme si cela lui avait appris quelque chose sur elle-même, elle en tirera même étonnamment de nouvelles forces.
Elle vise le changement, adhère à de nouvelles croyances, quitte sa zone de confort et s’engage dans le changement à petits pas. On s’auto-forme à la connaissance de soi, on se réapprivoise. Cette faculté d’apprendre vient de l’expérience. Le savoir expérientiel est primordial dans le processus de rétablissement, nous l’avons acquis à travers le vécu de notre maladie ou tout au long de conduites addictives et plus généralement tout au long de notre vie. Plus globalement, nous possédons tous des savoirs expérientiels très formateurs et il est intéressant de les associer aux savoirs savants. Ainsi, grâce à de l’entraide et du soutien mutuel ces expériences se consolident.
Il est important de rappeler que le processus de rétablissement n’est pas une guérison d’autant plus que beaucoup de maladies sont chroniques. Il s’agit donc de « vivre avec » la maladie de la manière la plus épanouissante possible. Il est nécessaire dans cette finalité d’apprendre les signes d’une crise ou d’une rechute afin de mobiliser toutes les ressources bénéfiques pour anticiper cette période avec le moins de souffrance et même parvenir à la maîtriser. L’Insight est cette connaissance de soi, la conscience de ses faiblesses et le repérage de ses signes avant-coureurs. C’est un des piliers du rétablissement.
LES PRINCIPES DU RETABLISSEMENT

RACCOURCIS POUR ESSAYER EN DOUCEUR…
Le rétablissement peut être un processus long et non-linéaire mais il permet d’aller de mieux en mieux de manière croissante.
Une rechute n’est pas un échec, vous allez savoir de mieux en mieux les appréhender et rebondir plus efficacement.
Chacun a sa propre temporalité, l’essentiel est de la respecter et ainsi de se respecter soi-même. On est comme on est et cela n’est pas un défaut, c’est la vie.
Il ne faut jamais se fixer des objectifs démesurés, c’est contre-productif et anxiogène… Au contraire, on atteint mieux son but petit à petit, pas à pas, à son rythme.
La fréquentation de groupes d’usagers et le soutien de travailleurs pairs peuvent être très enrichissants et précieux.
Un diagnostic n’est pas marqué sur son front. On arrête de s’auto-stigmatiser à outrance, de se dévaloriser ou de se sentir incapable. On dépasse la stigmatisation qui est souvent source de méconnaissance. La transparence des maladies présente des inconvénients mais aussi des avantages.
Il est des moments dans ma vie où si j’avais lu cet article je ne l’aurais peut-être pas fini et je me serais découragée. Peut-être vous sentez-vous vraiment mal en ce moment et que vous ne ressentez plus aucune motivation. C’est la maladie, c’est la faute à personne… Rangez quelques idées ou quelques mots dans un coin de votre cerveau il est possible qu’ils vous reviennent dans quelques temps et vous redonnent un peu d’espoir.
Pour conclure, j’ajoute ma touche personnelle. On oublie bien souvent comme moteur de rétablissement le RIRE. Oui nous pouvons rire de situations cocasses que l’on a vécues, de nos délires, de nos folies, de mauvaises blagues, de bonnes blagues, on peut rire de soi, des autres (on reste bienveillant quand-même !) et ce sera mon dernier principe : IL VAUT MIEUX EN RIRE QU’EN PLEURER c’est simple mais tellement efficace.
Virginie Belle, médiatrice de santé pair, étudiante en santé publique