
Les hallucinations font peur. Elles font peur à ceux qui les subissent parce qu’elles s’imposent. Elles superposent une autre sensibilité qui n’est pas forcément voulue, mais qui est sûrement incontrôlable, non maîtrisable. Elles font peur également dans l’imaginaire de ceux qui ne les connaissent pas. Certains peuvent être fascinés ou même attirés par ce genre d’expérience. Cette dernière parlerait à l’aide d’une de nos voix qui s’exprimerait différemment et non conventionnellement. La conscience atteint-elle un autre degré d’ouverture avec les hallucinations ou celles-ci enferment-elles l’individu qui en a dans une autre réalité ?
Parce qu’il n’est pas dans la normalité, ce prisme de réalité déformé est souvent repoussé. On fuit cette forme de démence. Parce qu’ils ne tournent pas rond, les fous, oserai-je les appeler ainsi, sont mis à l’écart. Leur abri se dessinerait dans des asiles qui cassent les boucles de leur imagination débordante. En effet, cela doit épuiser de voir en double et d’essayer de distinguer le vrai du faux. La société n’aime pas cultiver les différences incompréhensibles. Il faut éviter à la virtualité d’épuiser son patient jusqu’à l’autodestruction. Pourquoi un tel conflit au sein de ces individus ?
Les hallucinations éprouveraient donc des êtres voués à la perdition. Leur discours est aussi dissonant. On ne peut les écouter tant qu’ils ne sont pas ramenés vers la raison. Non seulement leurs mots sont discordants et irriteraient la décence, mais encore ceux-ci ne sont pas crédibles, ils sonnent creux par rapport à la bienséance. Car ce sont les uns qui ont tort et les autres raison.
Il y a donc un clivage entre les gens. Il y a un fossé entre la réalité de certains et celles des autres. Mais n’est-ce pas là trop réducteur ? Les hallucinations peuvent être provoquées par des psychotropes et être limitées dans le temps sur n’importe qui. Elles peuvent être à leur tour maîtrisables. Alors la plupart des schizophrènes, ceux qui connaissent le mieux ce genre de visions, sont-ils si différents des gens comme tout le monde ?
Les poèmes qui vont suivre ont été écrits pour imposer une autre vision, une hallucination. Ils veulent créer volontairement un fossé entre la vérité et le mensonge afin de mettre le lecteur dans une confusion telle qu’il finisse par comprendre le sentiment dans lequel se trouve celui qui a les sens troublés. Ces textes hallucinogènes ont-ils été la retranscription de sensations altérées, l’auteur ne voudra pas répondre à cette question pour semer le trouble dans la lecture. Le degré de sincérité se confondra avec l’imagination débordante. Celui qui a écrit a voulu faire de ses textes des hallucinations collectives dans le but d’amener potentiellement les autres que lui à se confronter, comme lui, au réel et à l’irréel. Ce livre est pour ceux qui veulent abandonner le monde de la raison pour accéder à la folie d’un autre.
Pierre P.