La situation épidémiologique des Usagers de Drogues (UD) vis-à-vis de l’infection par le VHC en France appelle aujourd’hui à de nouveaux moyens de prévention et de soins, particulièrement pour les personnes consommatrices de drogues précarisées et/ou en marge du système de santé. La politique de Réduction Des Risques – incluant les Programmes d’Echange de Seringues (PES) et l’accès aux Traitements de Substitution aux Opiacés (TSO) – a permis de réduire drastiquement le risque infectieux. Cependant, l’usage de drogues par injection demeure la principale situation à risque de transmission du VHC en France. La dernière évaluation du plan Hépatites (2012) a mis en évidence des problèmes d’accès à la prévention des hépatites et aux soins pour les UD. Par ailleurs, des avancées thérapeutiques majeures ont été accomplies ces dernières années dans la prise en charge de l’infection par le VHC. Celles-ci se caractérisent par le développement et la mise à disposition progressive de nouveaux traitements, les Antiviraux à Action Directe (AAD), présentant un profil d’efficacité et de tolérance très intéressant, avec un taux de réponse virologique soutenue avoisinant 100% et très peu d’effets secondaires. Ces traitements présentent de nombreux autres avantages par rapport aux stratégies thérapeutiques antérieures : ils sont administrables oralement, peuvent être utilisés quel que soit le génotype du virus infectant et ce pendant une durée courte (1 à 3 mois). Pour réussir à atteindre les personnes les plus exposées à l’infection au VHC et maximiser leur prise en charge, il est nécessaire de renforcer une action de prévention combinée, c’est à dire maintenir les messages relatifs au port du préservatif, à l’utilisation de matériel d’injection stérile tout en complétant ces approches par un accès efficace au dépistage et aux traitements. C’est dans ce but que l’association ASUD Marseille en partenariat avec l’INSERM met en place un projet « parrainage ».
« Le parrainage » consiste à solliciter et à former des personnes qui ont été guéries du VHC pour qu’elles accompagnent d’autres personnes fortement exposées ou nouvellement diagnostiquées dans une démarche de soins jusqu’à leur guérison. Cette démarche s’appuie sur la reconnaissance de l’expertise des personnes concernées aussi bien par la consommation de drogues par voie intraveineuse que par l’infection au VHC et sa prise en charge. En d’autres mots, qui de mieux placé que quelqu’un qui a connu les galères de la maladie, de la solitude face au traitement ou des propos stigmatisant sur l’injection pour expliquer, rassurer, accompagner ceux et celles qui vont affronter ces moments difficiles ?… Les premiers témoignages des futurs « parrains » d’ASUD sont les meilleures preuves de la pertinence du projet. En effet, celui-ci a été dépisté sans que ne lui soit apporté les informations nécessaires pour réagir face à la maladie, générant souffrances, angoisses et prise en charge tardive. Celui-là a bénéficié de conseils et d’accompagnement de camarades qui, par souci de l’autre, organisaient spontanément des discussions dans la salle d’attente ou au bistrot près de l’hôpital autour de la maladie et des médicaments pour que chacun puisse s’en sortir. Une autre se souvient de ses inquiétudes à chaque consultation médicale, devant mentir sur sa consommation de produits pour éviter la réprobation du médecin qui prescrit le traitement. Elle aurait bien voulu être accompagnée dans ces moments-là, s’appuyer sur la présence de quelqu’un de compréhensif pour aller jusqu’à la guérison. Le projet « parrainage » c’est donc une voie pour soutenir et accompagner les « parrainés » du dépistage jusqu’à la guérison, selon les besoins de chacun et en respectant leurs réalités de vie. Mais c’est aussi valoriser les connaissances et l’expérience des « parrains », reconnaître leur rôle crucial dans la prévention des maladies et l’amélioration de la qualité des soins pour les malades. Pour cela ASUD va leur proposer une formation spécifique, une mise en forme de leur expertise et des ressources pour se préparer aux parrainés « récalcitrants », aux professionnels « méfiants » ou encore aux familles angoissées. Une fois prêts, ils seront des personnes-ressources précieuses comme plusieurs d’entre eux auraient aimé croiser quand ils ont découvert leur maladie.
Carine Magen, ingénieure d’études, Inserm & Sesstim