Enfermé dans ma tête. Un sujet qui me tient à cœur pour ceux qui me connaissent et ceux qui ne veulent pas me connaître. Le truc c’est qu’on n’est pas toujours maître de son destin. Ce sujet c’est celui de la prison.

Confinement obligatoire qui peut parfois durer très très longtemps. Je vous raconte une petite anecdote, pas prise de tête (promis). Je suis tombé à fond dans les cachets (Rivotril, Sub, Rohypnol), bref, jusque-là ça allait encore. Puis je teste car je suis de nature à tout vouloir connaître. Ça peut être une qualité mais là ça peut être de la bêtise. Des amphets, du speed à maxi 2% de vraie coco. Alors j’suis tombé à fond dans la coco, je dépense tout dans cette merde, je paye plus mon loyer, erreur fatale, direction le Sleep’in tous les soirs, bagarres, problèmes, vols, etc, etc…
J’ai craqué, j’appelle le 115… Chambre à La Madrague… Celui qui dort dans la même chambre, il s’est chié dessus, ça le dérange pas l’autre ? Vomi tout son vin, accumulé le long de la journée… L’autre y ronfle comme un train, l’enfer sur terre…
J’ai commencé à voler des bricoles pour me payer l’hôtel mais lorsque l’on fait le choix de voler, tôt ou tard il faudra payer… Ça c’est les risques du métier, faire de l’argent pour survivre. Un matin 6h du mat’, ma porte explose, condés, condés, condés…
« T’as volé, si, t’as dévalisé un magasin ! », comparution immédiate, 24 mois fermes ! Croyez-moi j’ai pris une belle gifle. Maintenant que je suis là, en prison, quel profit pourrai-je trouver ? Alors j’ai pris rdv pour faire de la calligraphie arabe, un passe-temps comme un autre, aussi rdv avec le dentiste qui m’a d’ailleurs tout niqué de bonnes dents.
J’ai essayé d’exploiter ce que le système avait à m’offrir. J’ai vu l’A.S. toutes les semaines, vu que je suis cocaïnomane… Et j’ai demandé un dossier de prise en charge, d’accompagnement à la sortie après la fin de ma peine…
Aujourd’hui j’ai fini par avoir un appartement…
Coupable et innocent !
Toute ma vie je me suis considéré comme un coupable et innocent à la fois.
Coupable d’exister ! Comment se fait-ce ?
Pendant un tiers de ma vie j’ai été coupable d’avoir volé dans les magasins de nourriture, souvent, pour directement manger à ma faim, à l’instant présent et encore plus souvent dans d’autres magasins, lunettes, vêtements, parfums, bouteilles d’alcool. Tout ce qui rapporte bon, en peu de temps, pour avoir à manger, de nouveaux habits… Le pire a été et est encore parfois la dope, péché mignon de plus en plus de personnes vivant dans les limites de la décence.
Suis-je coupable de vouloir juste survivre en voulant manger au moins une fois par jour ? Suis-je coupable de vouloir rester propre ? Dois-je marcher les baskets trouées, à tel point que lorsqu’il pleut je m’adapte au bitume, faisant couiner mes shoes ?! Ah merde j’ai les chaussettes mouillées, c’est normal ou pas ? Suis-je coupable de chercher à rester en bonne santé en me démerdant une paire de chaussettes neuves ? Une boîte de raviolis ? De thon ? Qu’est-ce qu’on appelle un échange de bons procédés ? J’aurais aimé vivre à l’époque du troc…
Coupable d’être d’origine maghrébine, il faut dire que l’on m’a bien aidé à culpabiliser. Avoir la soi-disant mauvaise couleur. Faut dire que dans ma famille d’adoption ils se voyaient « aryens » comme ils aimaient à me le rappeler avec leurs supers yeux bleus et me voyaient comme celui aux yeux noirs et avaient de la haine, de la violence, comme si ma couleur d’yeux influençait mon caractère… Couleur que l’on m’a appris à détester jusqu’à ce que je comprenne que mon physique et mon mental n’avaient en aucune façon à voir l’un avec l’autre.
Le problème c’est que vers l’âge de 13, 14 ans, ils ont pensé avoir raison tellement je devenais rebelle d’une société qui à cette époque stigmatisait toutes ces personnes de couleur, cataloguées. Je faisais partie de cette société de sauvages qui avait 3, 4, 5 femmes. Sauvages qui mangeaient avec les doigts, on oublie que même les Romains pratiquaient des rituels, sans compter les orgies, pourtant les Romains étaient plutôt blonds, yeux bleus, que je vois comme civilisés… Alors que mes ancêtres, avec les mêmes coutumes, seraient des sauvages ?
Je m’en suis voulu d’exister, d’être un fardeau pour ceux qui devaient me donner le gîte et le couvert. Je devais casser la pierre pour mériter mon bout de pain. Une dame qui m’a beaucoup marqué m’a reproché de ne pas pouvoir se payer la bouteille car il avait fallu m’acheter du pain et du fromage quelques heures auparavant.
Coupable d’exister encore et encore, la haine qui m’envahit au fil du temps me pousse à faire conneries sur conneries (vengeance).
Jeune et inconscient j’étais en ce temps-là… La spirale infernale tournait tellement fort qu’elle ne voulait plus s’arrêter cette spirale.
De victime de torture mentale je suis moi-même passé à la torture physique, consciemment ou non, même là moi je ne sais pas. Ce que je sais c’est que même avec une main handicapée j’ai fait ce que j’ai fait… Demain tout sera oublié, il faut persévérer, déterminé, rien lâcher, s’acharner même harcelé sinon être ignoré. Ne jamais plus se laisser rabaisser. Je suis le plus fort, tu es le plus fort, il est le plus fort ! Nous sommes tous forts alors au charbon.
Aujourd’hui j’la traverse la vie, on peut si on veut faire du pire des maux quelque chose de bien, encore faut-il y croire, persévérer, car nous sommes loin d’intéresser les gens concernant notre avenir. Le secret ? Les harceler jusqu’à obtenir ce dont on a besoin pour notre sortie. Sinon, c’est le retour en 3 mois en prison, sûr et certain. C’est le serpent qui se mord la queue. Moi, croyez-moi, j’ai été déterminé, épuisé de toutes ces années dans la rue, il fallait que ça change, écœuré par ce système de santé qui laisse les citoyens français crever comme des rats, en pleine rue, au vu et au su de tous, mais personne ne voit. Ils veulent juste retrouver leur petit nid douillet. Toi tu peux crever !
Traumatisé, harcelé, obligé, faut bien grailler quand on est le plus féroce que Dieu a créé, que ma crinière représente ma virilité, c’est la plus grande de mes fiertés. À l’Afrique !
Ici je me suis adapté, traumatisé, c’est mon métier, famille à assumer.
On m’a laissé tomber… Seul je dois me protéger, d’ailleurs qui oserait m’attaquer à part un teubê ? Car déconcentré je ne le suis jamais… Parfait, cela ne m’arrivera pas. Parfois déraper, j’y suis obligé quitte à m’esquinter dans les rochers. Chaque être vivant africain mérite d’être protégé… Si nous persistons à détruire la terre-mère, attendons-nous à vivre l’enfer pendant l’éternité… Faute de capacité à bien juger, se gaver et non pas étudier, explorer, protéger. Obnubilé tu t’es fourvoyé… Tu as tué… Pour t’amuser ? Maintenant tu vas payer… Tu n’auras même pas assez de larmes pour pleurer. Qui veut jouer doit savoir assumer quitte à le regretter !
Moi j’me suis réveillé après ma dernière incarcération, encore une fois j’en ai fait ma force, et ça a marché ! J’ai appris à me servir du système pour survivre dans un monde où chacun ne pense qu’à sa petite routine, manger, caguer, niquer, mettre de côté et clamser sans avoir vu ou compris que la vie mérite vraiment d’être vécue. Elle est belle.
Heckle