Théma – Mot-clés – Série photo – Fixer l’instant
Des ateliers de photographie au Tipi pour parler de l’injection
EPOSIM (étude préliminaire à l’ouverture de la salle de consommation à moindre risque de Marseille) est une recherche menée entre Asud mars say yeah, le Tipi [ Asud Mars say yeah et le Tipi sont deux structures d’accompagnement pour usagers de drogues à Marseille.] et le Sesstim [ Le Sesstim est un laboratoire de recherche INSERM.]. Ce projet consiste à documenter les pratiques d’injection dans Marseille par la méthode photovoix.
Photovoix c’est quoi : Il s’agit d’une méthode de recherche participative qui consiste à donner des appareils photo à des personnes pour qu’elles documentent leur pratique
Lors d’un premier atelier (avant le confinement N°1), nous avions exposé la méthode de recherche et discuté de la thématique de départ : Comment on s’injecte à Marseille ? une ville où il n’y a pas de salle de consommation à moindre risque.
Durant la discussion, différentes thématiques autour de la pratique d’injection avaient émergé :
– Injection et rapport au corps : risques lié à l’injection réalisée rapidement / fréquemment
– Injection dans l’espace public et sécurité : rapport à la police / présence de caméra dans l’espace public etc.
– Injection dans l’espace public et regard social : regard des passants / regard de l’entourage
– Espaces et lieux de consommation et/ou de deal
– Accompagnement social ou familial
– Effets du produit recherchés
La période covid a fait prendre du retard au projet mais finalement, fin juillet, nous avons mené un atelier au Tipi avec Matthieu Parent, photographe. Il a présenté les techniques photographiques (cadrage, lumière, etc.), les questions éthiques en photographie (attention à l’anonymat, demander l’autorisation avant de prendre quelqu’un en photo). Nous avons discuté des photo prises en instantanée comme reflet du réel mais aussi du pouvoir symbolique des images, de la possibilité de créer des mises en scène et d’ainsi exprimer un ressenti, raconter une histoire, passer un message…
L’atelier a été proposé à deux groupes différents et nous avons distribué dix appareils photo aux participant.e.s. Le travail photographique de chaque participant.e a été discuté en entretien individuel et lors d’un deuxième atelier en groupe.
Pour chaque photo et pour orienter les discussions, quelques questions (issues de manuel de photovoix) ont guidé les échanges :
•Qu’est-ce que vous voyez sur cette image ?
•Quel sens cette image a pour vous ?
•Pourquoi cette situation existe ?
•Qu’est-ce qui pourrait être fait pour changer cette situation ?
C’est leur travail qui est ici restitué dans ce numéro de Sang d’Encre. Les photographies proposent donc un regard décalé sur les pratiques d’injection et donnent à voir leur propre vision de la consommation. Les images ouvrent sur leur intimité et donnent accès à des lieux dont les passants détournent le regard, des gestes que l’opinion publique condamne, et des personnes qui, paradoxalement, ont l’impression d’être rendues invisibles dans l’espace public.
Participant : « Il faut choquer les gens. Tu t’en fous, tu trouves une seringue, t’expliques à ton enfant, plus tu les habitues les gens… regarde la Gandja elle est tolérée à Amsterdam, ben, les gens ils fument de moins en moins. En France on est le pays le plus restrictif d’Europe, et genre c’est le pays où on a le plus de fumeurs. Si on tolérait un peu plus les choses ça irait mieux. Au Portugal ils ont tout dépénalisé et ça se passe bien. Ben j’sais pas. Interdis la vente, dépénalise les choses, ben tu t’en fous, bouge ton cul, fais quelque chose. »
Participante : « Et de toute façon, c’est toujours très en vue, pas forcément pour l’injection, pour tout ce qui va avec ce genre de pratique. C’est juste que les gens ne remarquent pas forcement, soit parce qu’ils ne veulent pas et qu’ils détournent le regard, soit parce qu’ils ne savent pas, ne tiltent pas, mais en général, ça se passe quand même à la vue de tout le monde. C’est en vue mais caché, les gens n’ont pas envie de regarder par là en fait. C’est ça le but, c’est d’aller dans des endroits les plus désagréables possibles pour que les gens n’aient pas envie d’y jeter un œil. »